Beyrouth, Automne 2005

En octobre 2005, je suis partie à Beyrouth pour filmer les marins, petits pêcheurs embarqués sur des bateaux de fortunes. J’ai filmé leur journée de travail comme une errance sur les flots, draguant interminablement les noirceurs de la mer à la recherche, juste à la recherche, peut-être d’une histoire indicible, peut-être d’un bruit de bombe et de fureur enfoui dans le silence. Beyrouth, Beyrouth, ville chaotique, ville à l’organisation chaotique, ville partagée, séparée, morcelée, avec ses traces de guerre, trous de balles dans les murs de sable des tours usées, comme érodée par le temps. Ville pauvre avec ses quartiers de luxe, son centre ville de façade, et ce flux sanguin de voitures bruyantes, hurlantes, milles sonorités acides d’une modernité sauvage se mêlent aux chants du muezzin, temps de la prière sous les crissements de pneu, temps calme caressé par la blancheur du soleil, ressac de la mer qui emporte la ville comme un bateau à la dérive, chante, chante Beyrouth, chante au son du oud et des voix graves des hommes marins, seule face à la mer, à perte. Ton chant s’élève dans le soir. Silence.

Filmées d’abord en Super 8 au Liban, les images ont ensuite été gonflées en 16 mm, ralenties et déstructurées grâce à une tireuse optique (Truca). Le montage fait se rencontrer trois sources : les images des marins et leurs gestes déstructurés, des gros plans sur des visages de personnes que j’ai rencontrées et des plans en noir et blanc de la ville.



Court métrage expérimental, muet, 8 min, 2006

 

Réalisation, image, développement Super 8 et 16 mm, montage et postproduction : Leïla Saadna avec le soutien de L'Abominable et de Nicolas Rey.

 

Ce film a été réalisé lors d'une résidence à l'Académie des Beaux-Arts de Beyrouth et soutenu par l'Ecole Nationale Supérieure d'Arts de Cergy.

 

Merci à Sirine Fattouh et à sa famille.