Ya l’ghayeb, fragments d’une histoire muette

En 2010, à Berlin, je rencontrais Feriel Benjama, jeune artiste algéro-allemande. Je réalise son portrait dont le point de départ est un long entretien sonore autour de son histoire migratoire entre l'Algérie et l'Allemagne. À partir de ce qu'elle me confie de son histoire, je réalise une série de photographies argentiques couleurs en écho aux fragments de sa vie. Je tourne aussi avec elle un plan séquence en super 8 évoquant poétiquement ce qui reste indicible, trop intime car trop douloureux, de son récit. Dans l'espace d'exposition, se répondent les photographies (tirées artisanalement dans un laboratoire associatif), le film super 8, la projection en continue d'une diapositive, un texte évoquant ma recherche autour de son histoire en lien avec la dimension humiliante et tragique de la politique d’asile allemande, et une installation sonore avec casques sans-fil permettant aux visiteurs d'entendre des fragments de l'entretien.


Voici quelques extraits retranscrits et traduits en français :

"L’Algérie, c’était comme un fantôme, qui m’a accompagné tout au long de ma jeunesse. C’était un souvenir et en même temps le futur, car je voulais y retourner !


Plus tard, alors que j’étais déjà arrivée en Allemagne, je rêvais constamment de Sidi Mezghich. Grâce à mon œil interne, je marchais dans les rues, je rêvais des endroits où j’avais vécu, et chaque année, je rêvais que j’y retournais. Ma grand-mère vivait encore là-bas, elle avait été comme une mère pour moi, rôle qu’elle avait assumé entièrement. Ça n’était pas facile.

 

Cette séparation a été difficile pour toi ?

Oui, ça a été très dur car en Allemagne, lorsque je suis allée à l’école, tout d’abord en 88 pour une courte période, je me suis sentie étrangère, surtout en raison de la barrière de la langue. J’ai dû d’abord apprendre la langue, je me suis sentie vraiment exclue. Et je trouvais ça étrange, je ne comprenais pas car en Algérie, je n’avais pas de problèmes, je jouais avec tout le monde, alors qu’en Allemagne, on me rejetait."